
Le premier exosquelette grand public est étonnamment facile à utiliser, mais il ne vous fera peut-être pas vous sentir comme Iron Man.
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L’appareil est arrivé dans une petite valise en polystyrène. Il se branche sur le même câble USB-C que j’utilise pour charger mon MacBook et se synchronise avec mon téléphone aussi facilement que des AirPods. Pourtant, l’exosquelette Hypershell promet quelque chose qu’aucun autre appareil grand public n’a jamais offert : augmenter ma force musculaire de 40 % et réduire mon effort de 30 % sur une distance allant jusqu’à 16 km.
Hypershell a été fondée par Kelvin Sun, un ingénieur ayant lancé plusieurs projets en robotique et créé Lattepanda, une entreprise spécialisée dans la fabrication de cartes mères miniatures. En 2022, Hypershell a terminé son parcours au sein du programme Y Combinator en Chine et emploie aujourd’hui environ 100 personnes entre Pékin et Shenzhen. En 2023, le projet a levé 1,3 million de dollars sur Kickstarter et Indiegogo, en plus de plusieurs millions en investissements providentiels. Cette dynamique s’est poursuivie en 2024 avec une levée de fonds en série A, dont le montant reste confidentiel.

Après cette longue attente, l’Hypershell — disponible en trois modèles à partir de 899 € — sera le premier exosquelette grand public majeur à être commercialisé le 20 janvier. J’ai eu la chance de recevoir l’un des tout premiers modèles de test, et une journée glaciale dans le Midwest m’a offert l’opportunité idéale d’imaginer à quoi pourrait ressembler la vie avec un exosquelette.

Déballage de l'Hypershell
L’appareil ressemble à une banane futuriste tout droit sortie d’un film de science-fiction, avec une structure qui se déploie le long des hanches et des jambes à partir d’une large ceinture robuste portée à la taille. Son design témoigne d’un véritable souci du détail, avec des matériaux soignés et une finition de qualité, bien loin d’un simple projet Kickstarter minimaliste. Chaque point de contact avec le corps est généreusement rembourré de nylon matelassé, garantissant un confort optimal.
Enfiler l’exosquelette par-dessus ses vêtements ne prend que quelques minutes. L’application dédiée demande d’abord votre taille, votre poids et votre genre, puis affiche une vidéo explicative détaillant chaque étape de l’installation, un peu comme lorsqu’on ajuste les sangles d’un sac à dos. Une fois les ceintures bien serrées et les clips en place, il suffit d’appuyer sur le bouton d’alimentation situé au niveau de la hanche. L’appareil, jusque-là inerte, s’anime soudainement, exerçant une légère pression sur le bas du dos pour signaler qu’il est prêt à fonctionner. Pendant ce temps, ma famille ne manque pas de commenter que je ressemble à quelqu’un portant une "couche bionique"…
Faire mes premiers pas est une expérience surprenante. J’ai l’impression que ma jambe est tirée et guidée, comme si mon genou était attaché à une ficelle invisible. En augmentant le niveau d’assistance (quelques pressions sur un bouton situé près de ma jambe suffisent), cette sensation de marionnette motorisée devient encore plus marquée. Très vite, je me retrouve à lever les genoux comme un membre d’une fanfare, traversant ma cuisine d’un pas exagérément dynamique. Marcher devient-il plus facile ? Hmm… Disons qu’il est nettement plus simple de lancer ma jambe en avant. Si cela a du sens…

Alors que je sors prudemment sur mon trottoir verglacé pour déneiger, je suis surpris par ma stabilité, malgré le léger délai de deux millisecondes entre mes mouvements et la réaction de l’exosquelette. Malheureusement, la puissance supplémentaire dans mes jambes ne m’aide en rien à briser la couche de glace avec mes biceps faiblards. Je me surprends à imaginer une extension pour le haut du corps qui rendrait cette tâche plus facile. (Une "couche pour biceps", si vous voulez.) Bien sûr, l’idée semble absurde—m’imaginer déambuler dans mon quartier comme Matt Damon dans Elysium. Pourtant, tous mes voisins possèdent une souffleuse à neige. Alors je me demande : et si nous utilisions nos corps comme des outils motorisés ?
Délaissant mon trottoir, je décide de tester la course (le système est censé reconnaître automatiquement diverses activités de plein air, y compris l’escalade). Avec plus de confiance, j’enfile mes chaussures de running et m’élance sur la route humide. J’active l’assistance au maximum et commence à courir. Soudain, mes jambes semblent mûes par un moteur invisible, avançant et reculant presque automatiquement avec ma foulée. J’aimerais apprécier cette sensation de puissance sans effort, mais il m’est difficile d’imaginer courir ainsi longtemps. J’ai l’impression que mes jambes n’aiment pas être tirées vers l’avant. Je ressens toujours le poids de l’appareil dans mon dos et, même en serrant la ceinture, ce n’est pas suffisant pour un confort optimal—comme si je portais un pantalon mal ajusté. Lorsque j’éteins l’Hypershell, je retrouve une liberté de mouvement agréable, mais je réalise aussi combien une partie de son travail consiste simplement à porter son propre poids de 2,4 kg.
De retour chez moi, je retire mes chaussures et tente de monter et descendre les escaliers. Ici, l’Hypershell m’impressionne moins que lors de la marche ou la course. Certes, je le teste dans un espace limité en plein hiver, mais l’an dernier, en essayant l’exosquelette Skip MO/GO, j’avais ressenti une véritable propulsion vers le haut des marches. Avec l’Hypershell, j’ai simplement l’impression qu’il soulève ma jambe pour poser le pied sur la marche, mais sans réellement donner de puissance à l’ensemble de mon corps. Pour descendre, le MO/GO absorbait tous les chocs(une bénédiction pour mes genoux !), alors que l’assistance de l’Hypershell est plus subtile, voire imperceptible. Difficile d’expliquer pourquoi ces deux appareils apparemment similaires offrent des sensations si différentes… Est-ce dû au matériel, aux algorithmes, ou simplement à ma perception subjective ?
Honnêtement, impossible de le savoir—chaque pas est l’équivalent biomécanique d’une story Instagram qui disparaît à jamais une fois vue. (Quand j’ai interrogé Hypershell sur ce point, ils m’ont donné des conseils pour ajuster le niveau d’assistance via leur excellente application, ce qui a amélioré légèrement l’expérience. Ils m’ont aussi précisé que l’effet serait plus notable en montée qu’en escaliers.)
L’Hypershell est censé s’adapter progressivement à votre démarche, ce qui signifie que le ressenti pourrait évoluer avec le temps. Comme tout produit moderne, il recevra des mises à jour logicielles. D’ailleurs, au cours de mon test, une mise à jour a corrigé plusieurs problèmes, dont un bug où se pencher en montant des escaliers pouvait fausser la détection du port de l’appareil.

Qu’est-ce qui fait un bon exosquelette ?
Les exosquelettes thérapeutiques sont approuvés par la FDA depuis près de dix ans. Mais la nouvelle génération d’exosquelettes arrive sur le marché comme du matériel sportif, un domaine peu réglementé (hors normes d’inflammabilité). Ce flou est acceptable pour des clubs de golf, où le pire risque est de rater un coup. Mais ici, il s’agit d’appareils qui interagissent directement avec nos muscles et articulations, ce qui soulève des questions sur la sécurité à long terme.
Cependant, l’évolution de ces technologies vers des usages médicaux (rééducation post-AVC, assistance aux personnes âgées) entraînera, heureusement, plus de contrôles. Ce n’est pas une critique de l’Hypershell en particulier, qui collabore avec des institutions respectées comme l’université Sustech de Shenzhen, mais un point à surveiller dans cette industrie émergente.
J’ai contacté Steven Collins, directeur du Biomechatronics Lab de Stanford, pour avoir son avis sur la sécurité des exosquelettes. Il ne semble pas trop inquiet des risques biomécaniques.
“Nous n’avons pas encore de données d’usage à long terme, mais je m’attends à ce que ces appareils présentent des risques similaires à ceux des équipements sportifs, vélos et autres produits du même genre.”
Il ajoute néanmoins que le secteur manque de réglementation.
“Mon inquiétude principale concerne la tendance des fabricants à exagérer les performances de leurs appareils. Nous avons vu des publicités promettant des niveaux de puissance et de vitesse irréalistes, sans aucune donnée pour les justifier. J’aimerais voir plus de régulation contre ces publicités trompeuses.”
À ma grande surprise, ce que j’ai préféré dans l’Hypershell n’était pas son assistance à la marche, mais une fonctionnalité expérimentale de l’application : le mode Fitness, qui ajoute une résistance aux mouvements au lieu de les faciliter. L’idée d’un appareil capable d’ajuster notre performance pour nous renforcer sur le court et le long terme est passionnante. J’espère simplement que ce ne sera pas aux utilisateurs de déterminer seuls si ces technologies bénéficient réellement à leur corps ou cachent des risques biomécaniques inconnus.
Pour l’instant, je suis à la fois impressionné par l’Hypershell et réticent à le recommander pour autre chose qu’un simple essai curieux. C’est un produit v1.0 ultra sophistiqué, combinant une interface simple, une construction robuste capable de fonctionner par grand froid, et une assistance IA en temps réel. Mais nous sommes encore loin de l’exosquelette parfait : un système qui nous rendrait plus forts, plus rapides, tout en nous laissant pleinement maîtres de nos mouvements.